Réduction de la mortalité maternelle : l’OMS s’engage dans la réparation des mutilations génitales féminines

Réduction de la mortalité maternelle : l’OMS s’engage dans la réparation des mutilations génitales féminines

Une trentaine de femmes victimes de mutilations génitales féminines (MGF) ont bénéficié d’une prise en charge holistique à Abidjan, dans le cadre d’un projet de réparation soutenu par quatre Agences du Système des Nations Unies dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et financé par les Fonds Muskoka. Cette initiative, menée en partenariat avec le Centre Hospitalier Intercommunal André Grégoire (CHICAG) de Montreuil (France) et le Centre Hospitalier Universitaire de Treichville- Abidjan (Côte d’Ivoire), vise à offrir des soins chirurgicaux et un soutien psychosocial aux femmes victimes de MGF, contribuant ainsi à améliorer leur qualité de vie,à réduire les inégalités et à contribuer à recouvrer leur dignité.

Du 8 au 16 avril 2025, ces femmes ont reçu des soins médicaux, psychologiques et sociaux. En parallèle, 14 professionnels de santé – gynécologues et sage-femmes - venus du Bénin, de la Guinée, du Sénégal, du Tchad, du Togo et de la Côte d’Ivoire – ont été formés aux techniques de réparation des MGF et à l’accompagnement des victimes.

Une formation régionale pour une prise en charge globale

Dans une salle du service de gynécologie du CHU de Treichville, l’ambiance est studieuse. Les participantes à la formation révisent leurs notes ou consultent leurs téléphones. Parmi elles, Oumy Thiam, sage-femme au centre de santé de Sédhiou, au sud du Sénégal, témoigne :

« Dans la région d’où je viens, environ 80% des femmes sont victimes de mutilation génitale. C’est un vrai problème de santé publique là-bas. La réparation est donc très importante car les femmes qui sont mutilées ont, en général, un problème psychologique. Elles ont une baisse de l’estime de soi. Il faut leur apporter ce soutien psychosocial ». « Nous sommes là depuis deux jours. La formation a débuté par un module sur le soutien psychosocial, avant d’aborder les aspects médicaux et chirurgicaux de la réparation », ajoute-t-elle.

De quoi s’agit-il quand on parle de « réparation des mutilations génitales féminines » ? 

Pour Dr Sarah Abramowicz, Gynécologue-Obstétricienne au Centre Hospitalier Intercommunal André Grégoire (CHICAG) de Montreuil (France) et Présidente de l’Association « Réparons l’excision », « la réparation doit être globale. Elle doit être psychologique, sexuelle, sociale et physique. Sur ce plan (physique), il s’agit d’une opération chirurgicale qui consiste à remettre le clitoris de la femme à sa place et à refaire les petites lèvres ».  « C’est une technique de reconstruction du clitoris qui permet à la femme de retrouver toute son intégrité féminine et toute sa sexualité », renchérit Prof. Bohoussou Eric, Chef de Service de gynécologie du CHU de Treichville. 

Les conséquences des mutilations génitales sont parfois très grandes. En fonction du type de mutilations. En plus de l’aspect psychologique, ces conséquences partent des douleurs pendant les rapports sexuels aux des infections, parfois jusqu’à des difficultés à l’enfantement pour la femme. « La réparation psychologique et physique vient en quelque sorte régler tous ces problèmes », explique Dr Semdé Gisèle, Chargée de programme santé mère enfant au Bureau de l’OMS Côte d’Ivoire.  

L’approche partenariale entre le CHICAG de Montreuil et le mécanisme des Fonds Muskoka (FM) a permis de développer ce projet visant la formation des personnels de santé issus des six pays soutenus par ce fonds aux techniques de réparation des MGF avec aussi un focus sur l’aspect psychosocial pour une prise en charge holistique des victimes.  « Il s’agit d’un projet conjoint OMS, UNFPA, ONUFEMMES et UNICEF, mis en œuvre en partenariat avec le CHU de Treichville. Il bénéficie de l’expertise de l’équipe de Dr Sarah Abramowicz, Gynécologue-Obstétricienne, spécialiste de la réparation des MGF du Centre Hospitalier intercommunal André Grégoire de Montreuil (France) », ajoute-t-elle.    

« Cette formation est la bienvenue car elle nous permet d’acquérir des connaissances et des compétences sur la prise en charge des femmes victimes de mutilations génitales », déclare Mme Amani Marie-Laure, Sage-femme à la PMI (Centre de santé pour la protection maternelle et infantile) de Bondoukou à l’Est de la Côte d’Ivoire. « Nous avons appris à accompagner la patiente dans sa prise de décision pour réparer son appareil génital qui a été mutilé », dit-elle. 

La réparation améliore la sexualité des femmes victimes des MGF

Les techniques de réparation chirurgicale et la prise en charge multidisciplinaire développées au CHI André Grégoire de Montreuil ont prouvé leur efficacité. La réparation améliore significativement la qualité de la vie sexuelle des femmes « réparées ». 

« Dans 80% des cas, la reconstruction améliore la sexualité des femmes », déclare Prof. Bohoussou Eric. Certaines études, selon Dr Sarah Abramowicz, ont montré qu’après l’opération, il y’a une grosse amélioration de la sexualité à plus de 70% chez les femmes en Europe. « Une autre étude publiée dans le Lancet, a montré qu’il y’a une amélioration du plaisir qui est une diminution des douleurs chez les femmes africaines après l’intervention chirurgicale », révèle-t-elle. Elle affirme que cette amélioration se situe à plusieurs niveaux. « La réparation physique permet de faire disparaître les douleurs quand il y en a, d’améliorer les sensations lors des rapports sexuels à partir du moment où le clitoris a repris sa place. Pour celles qui avaient la sensation que la mutilation leur avait enlever quelque chose de leur corps, elles retrouvent ce quelque chose qui leur redonne une identité féminine ». Cette assertion trouve un écho favorable auprès de la Chargée de programmes de l’OMS, Dr Semdé qui soutient qu’après l’intervention chirurgicale, les femmes répondent toujours par l’affirmative quand on leur pose la question sur leur état de santé et d’esprit. « Je me sens bien » répondent-elles toujours. « Plus tard, quand vous les retrouvez au décours d’une causerie, vous comprenez que les rapports sexuels se sont améliorés en termes de disparition des douleurs qui étaient quasi permanents, de plaintes de leurs conjoints qui ne comprennent pas toujours les raisons des pleurs et des refus, mieux elles sont mères pour certaines »

La joie des femmes « réparées »

Ce sont toujours des moments de soulagement et de joie que les femmes « réparées » partagent avec l’équipe de prise en charge. Elles expriment leurs émotions de différentes manières. « Je viens de sortir du bloc opératoire. J’ai discuté avec la famille et la patiente, c’est un soulagement total. La femme qui a été opérée est très joyeuse. Elle a presque pleuré de joie. Elle m’a dit que c’est un poids psychologique qu’on vient de lui enlever » témoigne la sage-femme Oumy Thiam. 

Après l’opération, les femmes ne peuvent cacher leurs émotions. « Elles sont vraiment heureuses. Nous sommes plus heureux qu’elles », reconnaît Prof. Bohoussou. « Elles nous font des confidences. Elles nous disent ce qu’elles attendent de cette opération. Pendant longtemps, elles ont été frustrées sur le plan sexuel. En plus, elles ont le soutien de leur conjoint qui les accompagnent parfois et qui souhaitent cette prise en charge ».  

Dr Sarah Abramowicz du CHI de Montreuil qui a réparé plus d’un millier de femmes mutilées, est un témoin privilégié de ces moments de confessions intimes des femmes. Son témoignage en la matière est éloquent. « Je pense que les femmes sont très heureuses après l’opération. Elles nous le disent. Elles l’expriment en disant que beaucoup de choses ont changé dans leur vie. Elles ont une sexualité qui est mieux qu’avant. Elles sont épanouies. Elles se retrouvent. Elles sont femmes. Et ça, ça veut dire beaucoup de choses ».  

Perspectives pour le projet 

Les perspectives se situent à plusieurs niveaux. En premier, elles concernent les bénéficiaires du projet, à savoir cette cohorte de 30 femmes. « Dans 6 à 12 mois, nous devons revoir ces femmes pour connaître leurs vécus en matière de sexualité, en matière de changement qualitatif. Ce sont nos ambassadrices pour parler de l’importance de la réparation des mutilations génitales féminines. Répliquer aussi ce type de petites campagnes de réparation dans les zones où les gynécologues et sage-femmes ont pris part à la formation, est capital, à court et moyen termes », souligne Dr Semdé Gisèle, de l’OMS. 

Ensuite, elles concernent les attentes et la mise en œuvre du projet dans les pays impliqués. Il s’agira d’exporter la technique dans les pays, d’informer et de sensibiliser les agents de santé d’abord, notamment les sage-femmes et les gynécologues sur la technique et la prise en charge holistique, ensuite les femmes mutilées pour leur expliquer le bien-fondé de la réparation. « Au Sénégal, les femmes ne sont pas informées de cette technique, mon rôle en tant que membre de l’équipe et Sage-femme, sera d’apporter le soutien psychosocial aux femmes victimes de MGF, de les orienter. Nous allons mettre en place une équipe au Sénégal qui sera chargée de faire la réparation des femmes mutilées », explique Oumy Thiam, Sage-femme. 

Le système de santé en Côte d’Ivoire bénéficie également de plusieurs retombées. Le CHU de Treichville, qui a abrité le projet, a l’expertise de faire les réparations des MGF. « Nous sommes capables de diffuser la technique aux autres gynécologues en Côte d’Ivoire », rassure Prof. Bohoussou Eric. Une assurance qui réjouit Dr Sarah Abramowicz. « Je crois en la Côte d’Ivoire parce que plusieurs chirurgiens ont pu être formés. Ce sera plus facile de refaire le projet ici qu’ailleurs dans les autres pays. En plus, nous avons pu former un Chef de clinique. Du coup, il est plus facile d’importer la technique que les équipes seront capables de reproduire ainsi que l’approche holistique ». Elle rajoute que c’est le début d’une grande collaboration avec le CHU de Treichville.  

Enfin, il y a des retombées pour les agences du Système des Nations Unies en Côte d’Ivoire qui ont montré une grande synergie d’action dans la mise en œuvre de ce projet. Elles ont pu atteindre les objectifs à travers une bonne coordination, une complémentarité exceptionnelle, une efficacité dans l’action et surtout une très bonne organisation. « Le système des Nations Unies aura contribué, à travers ce projet, à sauver la vie de plusieurs femmes », se réjouit Dr Semdé Gisèle.       

En conclusion, la réparation des mutilations génitales féminines représente une avancée significative dans la lutte contre la mortalité maternelle. Grâce à l'engagement de l'OMS et de ses partenaires, des milliers de femmes peuvent espérer retrouver une vie normale et digne. Ce projet, qui allie expertise médicale et soutien psychosocial, est un modèle de collaboration internationale pour la santé et le bien-être des femmes. 

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